Hanna Lhoumeau, mannequin, nous parle carrière et mindset

Ce lundi 27 février, en pleine Fashion Week, Madame Riviera a rencontré Hanna Lhoumeau chez elle, à Paris. Très vite, ce mannequin de 24 ans qui a les deux pieds bien ancrés dans le milieu, nous a tout dit de son parcours. Elle a également insisté sur le mental à se forger face à certains pièges et dangers du monde de la mode. Interview.

Ce fut une heure d’échange, de bienveillance et de générosité. Accueillie dans l’appartement parisien d’Hanna, qu’elle a elle-même acheté après avoir bien su gérer et investir son argent gagné en tant que mannequin et influenceuse, Madame Riviera est allée de surprise en surprise. Hanna Lhoumeau a 24 ans, a fait son nom dans le milieu, a la tête sur les épaules et un parcours qu’elle ne doit qu’à elle seule. Au fur et à mesure de l’interview, elle s’est dévoilée, a prévenu sans langue de bois de certains dangers du métier mais a surtout donné l’exemple pour les jeunes femmes qui souhaiteraient faire comme elle. Hanna a une force de caractère qui force l’admiration. Voici ce qu’elle a accepté de nous confier, avec la gentillesse et la simplicité qui la caractérisent.

Madame Riviera : Peux-tu te présenter et nous dire comment tout a commencé ?

Hanna Lhoumeau : J’ai 24 ans, je suis née à Bordeaux, je suis d’origine haïtienne, dominicaine et française. J’habite à Paris depuis fin 2018. Avant ça, j’étais à Bordeaux, j’ai fait un bac dans la mode. J’ai commencé le mannequinat quand j’avais 17 ans. Très honnêtement c’était vraiment pour gagner de l’argent parce que j’habitais avec ma famille et ils avaient pas mal de soucis d’argent. Et puis j’en avais un peu marre d’être à Bordeaux où la mentalité était assez fermée à l’époque. Du coup je me suis lancée, j’ai poussé un coup de gueule un jour. Je faisais des photos avec des potes photographes, et il y a plein de gens qui me disaient ‘Pourquoi tu ne deviens pas mannequin ?’. Donc je me suis dit ‘Why not ?’. J’étais un peu perdue, l’adolescente qui ne se sent pas à sa place, qui a de mauvaises notes en cours, qui se fait mettre la pression par tout le monde. Parce que c’est hyper tôt, mais à 17 ans on te demande ‘Qu’est-ce que tu veux faire plus tard ?’. Donc j’avais la pression. Et un jour je me suis dit que je voulais devenir mannequin et gagner de l’argent en faisant ce métier. J’habitais chez mes grands-parents à l’époque à cause des problèmes financiers de ma famille. Ils m’ont dit ‘Deviens mannequin’.

Après avoir trouvé ta voie, comment t’es-tu lancée dans le grand bain ?

Ce que j’ai fait, c’est que j’ai tapé sur Google ‘Agences mannequinat Paris’. J’ai appelé 40 agences en disant ‘Bonjour, je m’appelle Hanna, j’aimerais devenir mannequin’. Il y en a qui ont rigolé au téléphone en disant qu’ils ne recherchaient pas, d’autres disaient que c’était nouveau et qu’ils n’avaient jamais vu ce genre d’engouement. Ils m’ont demandé ma taille, d’envoyer des photos. Il y a quelques agences qui m’ont envoyé leur boîte mail et j’ai envoyé mon book, ma taille, mon âge, mes photos etc. J’ai envoyé une dizaine de mails et j’ai eu 4/5 agences qui m’ont répondu et dit ‘On aimerait bien te rencontrer, t’as un profil intéressant’. Je leur avais écris depuis l’adresse mail de mon grand-père et il me disait ‘Regarde, il y a déjà des réponses ! On va organiser un week-end à Paris pendant les vacances’. Ma grand-mère, qui avait à l’époque 70 ans, m’a accompagnée dans Paris pour aller rencontrer des agences. On avait 3/4 rdv dans la journée, on est restées 3 jours. J’avais 17 ans, il y a des agences qui m’ont dit ‘T’es pas ‘in shape’, t’es trop ‘jambonneau’. Ils avaient vraiment utilisé ce terme. Donc je ressortais des rendez-vous, j’étais à moitié en train de pleurer. Ma grand-mère me disait ‘T’inquiète, ça va le faire. C’est des cons, on s’en fout’. Puis on rencontre deux agences super cool qui m’ont dit ‘Oh, tu viens avec ta grand-mère, c’est trop chou. Nous on aime trop les trucs familiaux. L’agence a été créée par ma mère, je travaille avec elle etc’. Ils me racontent un peu leur histoire et ils sont touchés par la mienne. J’ai bien aimé leur ‘vibes’ et dès le lendemain, ils m’ont proposé un casting. Je n’avais même pas encore signé qu’ils me proposaient déjà des castings. Je signe dans cette agence, du coup. En parallèle je vais encore en cours au lycée, j’avais toujours des mauvaises notes parce que j’ai eu du mal avec le système scolaire. Donc j’étais encore en cours et parfois j’avais des jobs qui tombaient, environ un par mois et c’était des gros jobs. J’avais 3000 euros par mois qui tombaient dans ma poche, je n’avais jamais eu autant d’argent, pour moi c’était un peu fou.

Quels ont été les premières difficultés auxquelles tu as du faire face ?

A 17 ans, après avoir gagné autant d’argent, tu le dépenses vite. C’était un peu n’importe quoi pendant une période. On va dire que je passais la moitié à ma famille, il me restait beaucoup d’argent après et c’était un peu ‘la vida loca’. J’achetais beaucoup d’habits, c’était un peu ridicule. Mais ça marchait bien, et c’est ça que je retenais. Je me disais que je pouvais vraiment faire quelque chose là-dedans. C’était un peu plus compliqué avant parce que je n’avais pas du tout de followers sur Instagram. Il faut savoir que j’ai vraiment commencé à charbonner en boostant mon compte Instagram. C’était cool à cette période, j’avais des petits jobs, je n’habitais pas sur Paris donc ça ne me dérangeait pas de ne pas bosser toutes les semaines. Mais au bout d’un moment, j’ai pris la décision de venir habiter sur Paris pour travailler, et le faire toutes les semaines. Et en fait, ça ne marche pas. Je prends un appartement, je paie trois mois de loyer en avance. C’était un peu à l’arrache, j’avais trouvé l’appartement sur Instagram, à Vitry, horrible. C’était un peu la street. Et je vois que l’argent part mais ne rentre pas. Entre temps j’avais changé d’agence, je travaillais bien avec eux en étant sur Bordeaux. Donc je vais voir cette agence en leur demandant ce qu’il se passait. Ils m’ont dit ‘Il n’y a pas de jobs pour toi’. Donc je leur explique que j’ai un loyer à payer, qu’il ne me reste en tout que 1000 euros sur mon compte et jamais je ne demanderais à mes parents, donc comment je fais ?’. Ils m’ont répondu que ce n’était pas eux, mais le client. Entre temps, j’avais rencontré une agence de talents, d’influence, avec laquelle Chloé Lecareux bossait déjà. Ils m’ont dit de la capter tous les jours, de faire des photos avec elle pour les poster sur Instagram. Sauf que moi j’avais pas de vêtements, j’étais venue avec ma valise depuis Londres, j’avais deux ou trois trucs vintage, j’avais déjà tout shooté et reshooté donc c’était un peu naze. Mais Chloé m’a dit de ne pas m’inquiéter, qu’elle allait me prêter ses habits pour les shooter et faire des photos ensemble. Et tous les jours j’allais chez elle, on faisait des photos de fou, et les postait le soir-même. J’ai vu que ça marchait bien, j’ai pris beaucoup de followers, de like, de partage etc. Donc on a continué, quand j’ai rencontré Chloé elle avait 50 000 abonnés, moi j’en avais 6 000, et en l’espace d’un mois, elle est montée à 100 0000, et moi à 10 000. Donc c’est monté hyper vite et on faisait des photos et des collaborations avec tout ce qu’on avait sous la main.

La double casquette de mannequin et influenceuse a alors commencé à payer…

Oui, c’est comme ça que j’ai appris le métier de l’influence, parce qu’avant ça je ne savais pas du tout. Je faisais vite fait des photos sur Instagram, mais je ne savais pas qu’on pouvait être payé pour faire un post, que les gens pouvaient juste kiffer. On croisait des gens qui nous disaient qu’ils adoraient notre profil. On allait à des événements, on se présentait, puis ça a bien commencé à marcher. Et plus j’avais d’abonnés, plus on m’appelait dans le mannequinat. On me proposait des clients, je ne faisais même plus de castings. Ils faisaient directement le casting sur Insta. Moi je postais un peu de tout, et ils aimaient bien. J’ai quitté l’agence de mannequins avec qui j’étais, et le temps que je puisse quitter l’agence, ils me faisaient beaucoup bosser. Donc pendant un mois, j’avais trois agences : l’agence que je devais quitter, l’agence qui allait me prendre et l’agence d’influence. Avec tout ça je m’étais mis beaucoup d’argent de côté, je respirais. Il faut savoir que Chloé n’avait pas le mode de vie que moi, au début je n’avais pas d’argent, elle avait déjà son business donc pour la suivre en allant aux events, dans certains restos, en commandant des Uber etc, ça faisait un gros trou. Je me disais que c’était un investissement pour mon image et ça a marché. Ce qui était bénéfique pour moi c’est que j’avais fait du mannequinat, je connaissais ce métier et quelque fois dans l’influence on demande de faire des prises de vidéos, de photos et j’étais très à l’aise puisque j’avais déjà fait des campagnes, des shoots. J’avais la casquette du mannequinat en plus donc je me vendais en tant que mannequin influence, et ça coûtait plus cher. En juillet dernier, j’ai choisi de quitter l’agence de talents d’influence avec laquelle j’avais fonctionné jusque là, et de me représenter moi-même. J’ai une nana super qui travaille avec moi, qui a les mêmes valeurs que moi.

Dans un univers aussi stéréotypé que le mannequinat, ce n’est pas compliqué de ne pas se faire d’office catégoriser selon ses critères physiques ? Et de se faire une place malgré tous les diktats qui existent encore ?

Très honnêtement, c’est un gros problème dans le mannequinat. Je trouve qu’au niveau des mensurations, c’est très malsain. On a toutes des morphologies différentes, aussi au niveau du regard, des cheveux etc. On commence très jeune le mannequinat. Moi j’ai quand même eu de la chance parce que mes parents et grands-parents étaient derrière moi, du coup j’avais la protection d’un adulte. Mais les agences t’envoient dans des événements où tu es mineure. Il y a des adultes qui ne sont pas forcément bienveillants, il y a beaucoup de drogue et tu peux vite tomber dans un cercle vicieux qui te ramène très rapidement à un mal-être et à la mort, carrément. C’est très dangereux. Moi j’ai eu de la chance, grâce à Dieu et grâce aux personnes qui m’entouraient aussi à ce moment. Je suis arrivée sur Paris, je me suis trouvée un ‘grand frère de Paname’, un mec de banlieue, qui faisait partie d’un groupe de mecs. J’étais un peu la petite sœur protégée et avant d’avoir mon appartement, j’allais tout le temps chez lui. Donc je n’étais pas dans ces trucs dangereux. Mais tu peux vite tomber là-dedans. Des fois je sortais dans des événements où on me disait d’aller, heureusement j’étais avec mes amis, mais toutes les cinq minutes on me proposait de la drogue. Moi je n’en prends pas, je suis contre ça. Je viens de Bordeaux et j’étais touchée parce que j’avais des potes là-bas que j’ai vu changer physiquement en l’espace de deux mois à cause de la drogue, ça m’a un peu traumatisée. Et je ne voulais pas devenir comme ça, donc je suis restée loin de tout ça. Même si personne ne m’interdisait quoi que ce soit, c’est mon choix et je me disais que c’était ma responsabilité. Du coup je refusais mais je sais que de prendre de la drogue avec un tel, ça peut te faire avoir une certaine affinité avec, et après tu peux obtenir une certaine campagne… Ça peut te rapporter des choses, ça peut t’ouvrir des portes, t’imagines ? Mais moi je suis restée loin de ça. Tout ce que j’ai eu, c’est par moi-même. Mine de rien, j’avais déjà un petit caractère quand je suis arrivée sur Paris. Et on me disait que ça faisait la différence, que j’osais, que j’avais du chien et que j’y allais au culot. Et c’est ce qui me différenciait un peu de tout le monde, ça a bien marché.

As-tu subi, comme de nombreux ados malheureusement, des moqueries au collège ou au lycée ?

Au collège et au lycée, j’ai été beaucoup harcelée. On me disait que j’étais trop maigre, que je n’avais pas de seins, que je n’étais pas très féminine physiquement. Je me sentais différente et un peu persécutée, donc j’ai du changer quatre fois de collèges, j’étais tout le temps toute seule. Je me suis un peu créeé un mental en me disant ‘C’est toi contre le monde’. J’étais toute seule, je n’avais que ma famille, mes potes mais ils n’étaient pas dans mon collège ou lycée. Et je devais avancer, je n’avais pas le choix. Quand j’étais au collège, on me disait que j’étais trop maigre, que je ne deviendrais jamais mannequin, et quand je suis arrivée à Paris, les clients me disaient que j’étais trop grosse. Et d’avoir ces deux critiques complètement opposées, ça a finalement ‘glissé’ sur moi. C’est à dire que je ne me suis pas pris la tête mentalement parce qu’il y avait un groupe qui disait que j’étais trop maigre et l’autre trop grosse donc ça n’avait ni queue ni tête et je n’ai pas écouté. Ça s’est remarqué je pense. J’étais à l’aise avec moi-même et je n’ai pas été touchée mentalement par tous ces propos. J’ai mis une carapace et ça a été très important parce que ça aurait pu m’atteindre. Je sais que c’est souvent le cas. Les agences disent que c’est de ta faute si tu ne bosses pas alors que des fois c’est parce que le client recherche quelque chose de précis ou que l’agence ne sait pas bien te vendre. Ça peut dépendre de tout, mais ça ne dépend pas de toi, il faut se dire ça. C’est tellement aléatoire, il y a des effets de mode etc. Donc c’est trop facile de dire ‘c’est à cause de toi’.

Est-ce que tu as conscience de l’influence positive que tu as sur d’autres jeunes femmes qui ont ton profil, et qui voudraient être mannequins, elles aussi ?

Je reçois très régulièrement des messages où des filles me disent qu’elles sont contentes du fait que j’assume mes cheveux, ma morphologie, mon corps. Je m’accepte, moi, j’ai un peu peaufiné tout ça au fur et à mesure des années. Je reçois plein de messages positifs de filles qui me ressemblent physiquement qui me disent que ça leur a donné envie de faire du mannequinat, qui bossent, qui ont trouvé une agence, qui me demandent des conseils, comment s’habiller pour un casting etc. Quand on nous disait, à l’époque, de faire un casting, souvent ils nous disaient de porter un t-shirt blanc et un jean slim noir. Donc tu te retrouvais avec 70 filles qui avaient un t-shirt blanc et un jean noir. Moi j’arrivais avec une doudoune jaune, un pantalon cargo, des grosses baskets avec mon style à moi. Et quand j’arrivais devant le client avec 30 filles qui attendaient, il me disait ‘toi, viens’. Parce que je sortais du lot. C’est comme ça que j’arrivais à me démarquer. Je misais sur mon style, et un peu sur tout. Quand on me disait de lisser mes cheveux, j’arrivais avec mon gros afro. Quand on me disait que je ne devais pas me maquiller, j’arrivais avec mon petit blush et mon trait d’eye-liner. Au final, on me disait que ça m’allait bien, et ça les inspirait dans ce qu’ils voulaient faire. Parce que des fois les clients savent ce qu’ils veulent, mais des fois non.

Un immense merci à Hanna, pour ce message de persévérance et d’acceptation de soi. Vous pouvez la retrouver sur son compte Instagram.

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