Sophie Fontanel

Rencontre avec Sophie Fontanel, dont la force des mots bouscule les diktats

Alors que Sophie Fontanel était de passage à Monaco pour promouvoir son dernier ouvrage, Admirable, nous avons échangé avec elle sur les injonctions de la beauté féminine. Notamment à propos des rides, qu’elle vénère au travers de son conte.

Madame Riviera : Bonjour Sophie. C’est un plaisir de vous rencontrer à l’hôtel Métropole, Monte Carlo à Monaco, à l’occasion de la conférence de presse pour votre dernier livre Admirable. C’est un contequi parle d’un monde de jeunesse éternelle, où il ne reste plus qu’une seule femme ridée. En quoi pour vous, dans la vraie vie, est-ce important de ne pas voir les rides disparaître ?

Sophie Fontanel : J’ai exaucé notre vœu de ne plus avoir de rides. C’est un conte, ça se passe dans 15 ans. Je démontre que s’il n’y en a plus, on se met à les vénérer. On se dit que c’est peut-être mieux d’en avoir, parce qu’on veut toujours l’inverse de ce que l’on a. Je démontre que c’est un monde qui au lieu d’avoir une pente de l’âge, va se trouver devant un précipice en permanence. C’est un monde où on va avoir très peur de la mort.

C’est là tout le côté paradoxal. On est dans une ère où on prône l’acceptation de soi, du vieillissement, mais à la fois, si on pouvait voir nos rides disparaître, on le ferait.

Bien sûr. Le médicament qui existe dans le livre, je pense que s’il existait, je le prendrais. Mais j’aurais tord, et c’est ce que le livre sert à démontrer. Ce n’est pas un livre horrible quand on le lit. C’est-à-dire que le personnage qui est ridé, est tellement savoureux, tellement heureux, tellement intelligent, qu’il emporte l’adhésion de tous. Moi j’ai toujours trouvé ça beau les rides. Même si je ferais quand même le comprimé s’il existait, vous voyez.

Justement, qu’est-ce que vous voyez, vous dans vos rides ? Du bonheur de la reconnaissance ?

Dans mes rides, je vois ma mère, mon père. Je vois le fait que le temps passe, le fait que rien ne reste comme c’était. Et je vois aussi de la douceur. Je vois quelque chose de beau, ça montre qu’il ne faut pas me brusquer. J’aime bien ça. Et pourtant je ne suis pas encore si vieille.

De la reconnaissance, c’est ce qu’éprouvent beaucoup de femmes à votre égard, parce que finalement, elles se reconnaissent en vous. Bien plus qu’en beaucoup d’autres femmes qui posent dans les magazines. C’est quelque chose dont vous avez conscience ?

J’en ai conscience, parce que comme je suis sur les réseaux sociaux, qu’il y a 350 000 personnes et plus qui me suivent sur Instagram, j’ai les échos de ces gens. Tout à l’heure à l’aéroport, en venant, il y a des gens qui m’ont arrêtée, qui m’ont dit ‘on vous suit, on a lu vos livres’. Je comprends que ce que je dis compte. J’essaie de le dire avec beaucoup de légèreté, avec beaucoup de douceur justement. Il y a des messages à faire passer. Le militantisme, c’est une chose importante. La rage, ça peut être une chose importante. Mais il y a d’autres manières aussi de s’y prendre. Je ne dis pas que l’une est meilleure que l’autre, mais je trouve que ma manière n’est pas mal.

Et en parlant de couverture de magazine, vous avez posé nue pour Elle. Comment avez-vous vécu cet exercice ?

Très naturellement. J’ai accepté de me mettre nue dans un studio, où il y avait déjà 5 ou 6 personnes. Dans mon souvenir, que des garçons. Il fallait se déshabiller devant des garçons qui n’avaient jamais vu une femme de mon âge nue. J’avais 58, 59 ans à l’époque. Ils étaient mal à l’aise, et je leur ai dit, ‘maintenant vous allez vous détendre. C’est comme sion était à la plage’. Ils ont proposé de se mettre torse nu aussi, on a rigolé, mais j’ai vécu ça de manière très naturelle. Ça fait un peu plus bizarre quand vous vous voyez imprimée. Mais la réception a été excellente. À part de temps en temps, des gens ont dit ‘elle est moche, elle est vieille’. Mes photos, je les voulais un peu glamour, comme dans les magazines des années 60. Je ne voulais pas des photos vérités. Même s’il n’y avait pas de trucage, mais je voulais des photos amusantes, pleines de vie. Comme si j’étais un mannequin des années 70.

Est-ce que vous pensez plus vous aimer à 61 ans qu’à 20 ans ?

Je m’aime plus, moi, aujourd’hui, que je m’aimais à 20 ans. Mais j’aime aussi beaucoup plus la fille que j’étais à 20 ans. Quand je la vois en photo, quand je la regarde, je me dis, ‘mais pourquoi tu te prenais la tête ? Tu étais très bien !’. On est pleine de complexes, d’incertitudes, et on est obsédées par l’idée qu’il faut plaire au plus grand nombre. Les personnes que j’ai pu rencontrer, hommes et femmes, qui plaisent au plus grand nombre, ne sont pas forcément heureux. Ils sont aussi perdus narcissiquement. Moi je plais peut-être à une personne sur un million, mais quand je lui plais, je luis plais vraiment.

Revenons à l’écriture. Dans une interview, vous avez affirmé qu’on peut « changer le monde en racontant des histoires ». Est-ce que c’est cette croyance-là qui vous a poussée à écrire ?

C’est Salman Rushdie qui a dit récemment qu’il avait réalisé enfant qu’on pouvait changer le monde en racontant des histoires. C’est ma conviction. Il faut passer par la beauté, par l’imagination. Je pense que là où on est mal en ce moment, c’est le fait qu’on soit coincé dans du snacking, comme on dit. C’est à dire qu’on sur-consomme sur les réseaux sociaux, et moi aussi. Raconter une histoire, ça prend du temps. On s’ennuie un peu, puis finalement on rentre dans l’histoire. Tout ça c’est très important. C’est sur cette longue durée qu’on arrive à changer les choses et toucher les gens, en profondeur.

De par la rédaction de vos livres, est-ce que vous avez cette impression du devoir accompli ? D’apporter à votre échelle votre contribution à une société qui pourrait aller mieux ?

J’ai totalement cette impression là. Pour ce qui est de réinterroger cette idée comme quoi les femmes sont bien à un moment de leur vie, que c’est soumis au fait d’avoir des enfants, d’être désirée, d’être belle, jeune etc.… Je trouve qu’on a beau le critiquer, on ne démolie jamais ce truc là. On n’y arrive jamais. Et j’y arrive un petit peu, donc je suis contente.

Crédit photo : Baris Demiray

Est-ce que vous avez déjà une idée de ce dont votre prochain livre va traiter ?

Oui, j’ai une idée. Ça chemine, ça arrive petit à petit mais je ne veux pas vous le dire. Vous savez, trouver une idée de livre ce n’est pas juste trouver un bon thème. C’est arriver à trouver quelque chose qui va vous permettre d’exprimer le fond de votre être, même si ça ne parle pas de vous. C’est ce qui me prend le plus de temps. De trouver le point entre un sujet, une idée, une histoire, ce que j’ai envie de dire et à quoi je peux être utile. Je ne commence pas un livre si je ne me dis pas que je vais être utile à quelque chose, que ça va faire bouger quelque chose.

C’est ce que vous pouvez constater, par le biais de messages de personnes qui vous suivent ? Que vos livres ont fait bouger les choses ?

Oui. Si on prend le livre Grandir, où je raconte comment je m’occupais de ma mère qui était âgée, à lui ambiancer son quotidien, transformer ça en un film de Franck Capra. Ça pourrait seulement traiter de ma mère. Mais dès que j’ai écrit le livre, dans le manière de dénoncer ça, j’ai interrogé ce que c’est d’avoir une relation avec quelqu’un qui vieillit. Ce livre, qui parlait pourtant de ma relation avec ma mère, a tout de suite été compris comme la relation qu’on pourrait tous avoir avec une personne âgée. C’est important de dire qu’il y a le talent qui fait qu’on fait quelque chose d’universel, mais il y a aussi la volonté de faire quelque chose d’universel. De ne pas simplement direje vais raconter tout ce que je ressens’. C’est se dire ‘qu’est ce que je peux faire pour les autres ?’.

On parle souvent du fait que l’écriture est une sorte de thérapie. Est-ce que vous avez cette impression ?

C’est sans doute vrai mais ce n’est pas comme ça que je le vois. Selon moi, c’est plus thérapeutique pour le lecteur. De mon côté, le travail est déjà fait dans ma tête. Je veux faire bouger des choses en écrivant mes livres. J’ai écrit L’envie, sur quelqu’un qui dit‘ma vie sexuelle n’est pas terrible. Je vais arrêter, je recommencerai quand ça vaudra le coup’. C’est à ce jour mon plus grand best seller, qui a été traduit aux États-Unis. Je n’ai pas juste parlé de mon histoire. J’ai soulevé cette question, et beaucoup de gens se sont dit ‘moi c’est pareil’.

Est-ce que vous prenez le temps, dans votre quotidien quelque fois, de vous poser et de réaliser tout ce que vous avez accompli, justement ?

J’y pense dans un seul cas : quand je me demande ce que je vais écrire, et si je n’ai pas déjà tout dit. Mais je ne crois pas. Quand on écrit, on croit toujours qu’on a tout dit. Mais on ne peut pas s’empêcher d’écrire, donc ça revient. La nouvelle idée du prochain livre est venue dans un avion. J’étais en train de lire quelque chose, mais je ne peux pas dire quoi, et je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire. Alors j’ai pris la décision d’écrire là-dessus même si je m’étais dit que je n’allais plus écrire pendant un an et demi.

Merci beaucoup Sophie pour ce moment.

Crédit photo et vidéo : Baris Demiray

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