La vie d’Alicia Mahé après avoir subi deux traumatismes

La rencontre avec Alicia Mahé a laissé place à une interview des plus sérieuses et importantes traitant… de la santé mentale après avoir subi un ou plusieurs traumatismes. Une situation dans laquelle se trouvent plus de personnes qu’on le pense. Par le biais de l’histoire d’Alicia, on fait le point sur les spécialistes qui existent pour se faire aider, les complications que l’on peut rencontrer et surtout, l’importance de ne pas abandonner l’idée de se faire accompagner.

Madame Riviera : Bonjour Alicia, je suis ravie de faire ta connaissance ! On se rencontre pour la toute première fois à l’hôtel Cézanne & Spa situé en plein cœur de Cannes ! Ce qui m’a amenée à te contacter, c’est pour parler de toi, en tant que femme, au sujet de ce que tu as pu vivre, traverser et où tu en es maintenant dans ta vie. Tout cela va nous permettre d’évoquer un sujet des plus importants : la santé mentale, et comment vivre après un ou plusieurs traumatismes.

J’aimerais donc revenir, si c’est ok pour toi, sur un passage très difficile de ta vie : l’accident de voiture dont tu as été victime, et dans lequel ta sœur est décédée. Cela fait maintenant plusieurs années que ça s’est passé… Comment est-ce que tu as réussi à te reconstruire, après ce drame ? Car il y a eu deux traumas en un.

Alicia : Ça a pris vraiment beaucoup de temps pour me reconstruire parce que, forcément on est à l’hôpital, on n’a plus du tout espoir sur son avenir. Moi je me demandais ce que j’allais devenir. Puis après j’apprends pour ma sœur. De là je me dis que je ne peux plus vivre. Vient la dépression, la maladie, la dépression. On ajoute un traitement en plus des anti-douleurs, l’anti-dépresseur. Au début j’étais passive sur mon hospitalisation, je laissais faire les choses. Et après je broyais du noir, mais ce qui me tenait finalement c’était ma famille et l’amour qu’elle pouvait me porter. Je me suis dit que ce n’est pas juste si je me laisse aller alors que ma sœur est partie. C’est la première chose à laquelle j’ai pensé. Je me suis dit que je ne pouvais pas me laisser partir, que ce n’était pas juste qu’après ma sœur ce soit moi. Je m’étais dit que j’allais me battre, pour ma famille, pour qu’elle puisse elle aussi avoir la force de se battre. Et une fois que j’étais en rééducation, j’ai pu échanger avec les autres personnes hospitalisées. Sur leur propre problème. J’étais avec des grands brûlés, des accidentés, c’était à Hyères. On a pu se partager nos expériences, et c’est là que je me suis dit ‘je ne suis pas toute seule, on a tous des expériences horribles’. On s’est soutenus en rééducation, et j’ai eu de la chance de tomber dans cet endroit-là. On se poussait tous à y arriver, c’est ça qui m’a ouvert les yeux, qui m’a fait comprendre que la vie, elle est là. J’ai eu des coups de cœur pour certaines personnes, il y avait de tout âge, j’étais l’une des plus jeunes et on a créé des liens d’amitié très forts. C’est là que j’ai puisé ma force. Et quand je suis sortie de cette rééducation où j’ai été pendant 3 mois sans rentrer chez moi, j’ai commencé à vouloir me battre, parce que j’ai vu qu’en rééducation, tout commençait à aller mieux une fois que j’étais positive. J’avais l’impression que je pouvais le faire, même si ma jambe était paralysée et qu’on m’avait dit que je ne la récupérerais pas. Pareil pour tous mes soucis digestifs, j’avais l’impression que ça arrivait à guérir. Il suffisait d’être positive, pour attirer le positif. C’est à partir de là que j’ai compris que ça marchait comme ça. Donc j’ai décidé de me battre, et ma santé s’est améliorée. J’ai récupéré ma jambe, on a pu m’opérer. Ca n’a pas été facile, j’ai subi des opérations pendant 3 ans, mais j’avais toujours la niaque. Et plus j’avais la niaque, plus j’y arrivais.

Ça me tenait à cœur de parler de ça avec toi pour faire le point sur l’aide psychologique que les personnes peuvent demander ou recevoir, après avoir vécu un ou plusieurs traumatismes. C’est le cas de plus de personnes qu’on le croit. Et forcément, après avoir pris de tels coups, la question de se tourner vers un spécialiste se pose. Est-ce que tu as été aidée par un professionnel de ton côté ?

Ça n’a pas été facile parce qu’à l’hôpital il y avait un psychologue qui venait me voir. Et je n’avais pas envie de lui parler. Je faisais tout le temps semblant de dormir. Il attendait que je parle, mais j’avais besoin qu’on vienne me chercher. De là, il a du dire que je ne me confiais pas, et en plus j’étais en pleine dépression. Ils ont alors commencé à faire venir l’équipe mobile de psychiatrie, et j’ai eu très peur. Je me disais que j’allais finir en psychiatrie. Ils sont venus à plusieurs dans ma chambre, je pense que l’approche n’était pas la bonne. Et finalement, la psychiatre a vite compris que j’ai été impressionnée par les quatre personnes qui sont entrées dans ma chambre. De là, elle a fini par venir toute seule. Elle est venue me chercher, elle n’a pas attendu que je parle, elle me parlait, elle. Elle me parlait de tout et de rien, j’ai senti un côté très maternel. Et j’ai commencé à parler, ça m’a fait plaisir et j’étais contente quand elle venait. C’était une psychiatre, pas une psychologue. Ensuite, quand j’étais en rééducation, on m’a dit qu’il fallait que j’aille voir la psychologue. Je vais la voir, dans son bureau, et elle attend que je parle. On se regardait dans le blanc des yeux, et je n’allais plus aux rendez-vous. Je préférais rester dans ma chambre ou aller jouer au Rami avec les autres patients. On m’a alors dit d’aller voir le psychiatre de la rééducation, c’était un homme. Lui est venu me chercher, il me parlait. J’ai réussi à me confier sur le fait que je voulais reprendre du poids, car j’étais descendue à 41 kilos pour 1m71 donc j’étais très fine. J’étais un os, je tombais par terre, je ne me relevais pas. Je me suis dit que j’avais plus de facilité avec les psychiatres, et qu’il ne fallait pas avoir peur car ce sont des médecins finalement. Et quand je suis sortie de cette rééducation, je n’ai plus eu de suivi. Plus rien.

Tu n’en as pas ressenti le besoin ?

Non, pas au début. Et finalement, si, parce que je faisais des cauchemars très violents. Je rêvais de ma sœur toutes les nuits, je lui demandais ce qu’elle faisait là. Tous les matins je me réveillais avec la réalité qui me frappait en pleine tête en me disant ‘c’est vrai, elle n’est plus là’. Donc j’avais ce retour à la réalité tous les matins, et je souffrais. Je suis allée voir une hypno-thérapeute. J’ai eu de la chance parce que je suis tombée sur une très bonne professionnelle à Aix en Provence. En deux séances, les cauchemars étaient terminés. Elle m’a soulagée d’un poids énorme. J’ai continué de la voir en lui disant que j’en avais marre de pleurer. Elle m’a fait cette hypnose pour essayer de m’éloigner de ces émotions. Ce n’est pas forcément bien, on peut dire que c’est important d’exprimer ses émotions, mais moi j’étais fatiguée. Elle a réussi à le faire, mais elle m’a dit qu’elle pouvait me redonner ces émotions là si je voulais les reprendre. Ça n’a jamais été le cas car je me sens mieux comme ça. Je peux en parler, et ça me fait du bien de pouvoir m’en éloigner. Après ça j’ai vu une psycho-thérapeute, dès que j’avais des moments de faiblesse, et une psychanalyste, avec qui c’était facile de parler. Mais toujours pas de psychologue. A un moment donné, je n’avais plus de sous. J’étais jeune infirmière avec un salaire de 1600 euros, et je ne pouvais pas me permettre toutes les semaines d’aller voir une professionnelle. J’ai arrêté, puis un jour je suis revenue voir une psychiatre en lui demandant si j’étais dépressive, vis à vis des moments où j’étais faible, où je pleurais, où j’étais fatiguée avec le travail etc. Elle m’a dit que ce n’était pas le cas, que j’étais irritable parce que j’étais faible à des moments, et elle m’a conseillée jusqu’au jour où elle m’a dit que l’on n’avait plus à se voir parce que j’arrivais à gérer. Et c’est la dernière personne que j’ai vue, c’était en 2018.

Évidemment, chaque cas est différent mais je sais qu’il est parfois très compliqué de trouver la bonne personne pour se faire aider. Il y a plusieurs freins à cela : le coût des consultations, hors psychiatrie, le fait de trouver la ou le professionnel avec qui le feeling et la confiance passent bien, savoir qui aller voir parmi tous les spécialistes qui existent… As-tu, pour ta part, ressenti des difficultés à être accompagnée psychologiquement ?

Parfois on n’ose plus aller consulter, parce qu’on a peur d’y aller pour rien, de ne pas se sentir écouté ou compris. Je pense qu’il ne faut pas hésiter à en voir plusieurs, jusqu’à trouver la bonne personne. Les gens finissent par lâcher. Ils se disent une fois, deux fois, c’est bon, stop. Ça demande de l’énergie mais je pense qu’on est tous capable de trouver enfin la personne avec qui on peut avoir cette relation de confiance.

Le plus souvent, après des traumatismes, on relativise beaucoup, on peut développer une certaine anxiété, être sur-protecteur… Est-ce que c’est ton cas ? Si oui, comment vis-tu ça psychologiquement aujourd’hui ?

C’est vrai que je veux tout le temps protéger mes parents, par rapport à ce qui m’arrive. J’ai envie de les protéger et leur montrer que je vais bien parce que dès que je ne vais pas bien, ils sont affectés. Ils m’ont tellement vu dans des états déplorables que ce sont des éponges. Et d’autre part, j’ai totalement changé ma façon de voir le monde. Je me dis que j’ai failli ne plus être là donc si j’ai envie de faire quelque chose, je le fais. Je me prends moins la tête et quand on essaie d’enlever mon sourire, ça peut m’affecter mais je ne cherche jamais à aller trop loin, de ne pas entrer dans le conflit. Ce n’est pas facile mais j’essaie souvent de doser ça. Et je suis plus empathique. Au niveau de mon métier d’infirmière, j’avais également totalement changé dans la prise en charge de mes patients. J’étais beaucoup plus dans une relation de confiance.

On l’a vu notamment dans ta participation à Mariés au premier regard, c’est difficile pour toi de te livrer totalement à quelqu’un désormais ? Même d’un point de vu physique, de dévoiler tes cicatrices… Est-ce que c’est quelque chose qui bloque encore ?

Je n’ai jamais eu de souci avec mon corps jusqu’à mon accident. Ca m’a pris peut-être quatre ans avant d’accepter mon corps et mes cicatrices. J’ai fait de la chirurgie réparatrice sur les cicatrices de mon abdomen parce que je ne pouvais les supporter, ni aller à la plage comme ça, c’était trop dur. On ne me les a pas enlevées, on me les a affinées, et ça m’a permis de m’accepter un peu plus. Mais c’est vrai que j’ai toujours ce regard sur moi qui me dit qu’il ne faut pas que je grossisse ni que je maigrisse. Déjà qu’on me regarde vis à vis de mes cicatrices, si en plus mon corps se dégrade… Je n’aime pas le regard des gens sur moi, ça a d’ailleurs été un gros travail de faire de la télé. Mais finalement ça aide aussi pour la confiance en soi. Et aujourd’hui, si je rencontre un homme, j’ai moins de blocages que des années en arrière.

Après un accident, il y a généralement des séquelles. Mais quand on est jeune c’est quand même assez délicat au vu monde extérieur, d’autant plus quand physiquement tout semble bien aller. Est-ce que tu es parfois amenée à ressentir un décalage vis à vis de tes amies par exemple ? Leurs habitudes, leur façon de penser aussi ?

Complètement. Je n’ai pas envie de montrer que j’ai des problèmes de santé, je me fais jolie, j’essaie de vivre ma vie comme tout le monde. Il y a quelques années j’en pleurais parce que j’étais un peu plus faible, et dès que j’utilisais ma carte de stationnement, on venait parfois m’embrouiller quand je me garais sur les places handicapées. J’avais beau mettre ma carte, on me disait que je fraudais, que c’était la carte de ma grand-mère. Pareil pour la carte Mobilité inclusion pour ne pas faire la queue. Je l’utilise seulement quand je ne vais pas bien. On me regarde mal, on vient m’embrouiller. Je me rappellerai toujours le jour où je venais de sortir de ma dernière hospitalisation, lorsque j’ai subi ma dernière opération du dos, on m’a retiré les tiges que j’avais et mis des agrafes. Je fais les courses avec mes parents, j’étais fatiguée, et je suis passée à la caisse handicapée avec ma carte. De là, un monsieur arrive avec son caddie et me pousse avec, dans mon dos où j’avais mes agrafes. J’avais tellement mal… Il me disait que je n’avais pas à être à cette caisse là. Mon père l’a incendié, ça a été un scandale et j’en ai beaucoup pleuré. Concernant mes amies, quelque fois quand j’en fais trop, elles me rappellent à l’ordre en me disant que je vais finir par trinquer si je continue. Il y a de la bienveillance.

On va terminer sur une question positive, parce que le plus important finalement, c’est de regarder vers l’avenir. Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter, aujourd’hui ?

J’aimerais bien avoir des enfants et trouver l’homme de ma vie. Et que ma santé reste stabilisée, que je continue de vivre ma vie tranquillement.

Merci infiniment Alicia d’avoir pris le temps d’échanger avec moi sur un sujet aussi important. J’espère que cette interview aura permis de délier les langues sur ce que beaucoup de personnes sont malheureusement amenées à vivre. A très bientôt j’espère, on te retrouve bien évidemment sur ton compte Instagram @aliciamaheoff. Merci également à l’hôtel Cézanne et Spa de nous avoir très bien accueillies.

*petite rectification par rapport à ce qui a été dit dans la vidéo, ce ne sont pas 8 séances avec une/un psycho-thérapeute qui sont remboursées par la sécurité sociale, mais 8 séances avec une/un psychologue par an, à condition qu’il ou elle soit partenaire de Mon Parcours Psy, un dispositif mis en place par le gouvernement. Si vous souhaitez vous renseigner sur le processus, assez simple, voici le lien à consulter : https://www.gouvernement.fr/actualite/monparcourspsy-un-dispositif-pour-faciliter-lacces-a-un-accompagnement-psychologique. N’hésitez pas à demander conseil à votre médecin traitant pour qu’il ou elle puisse vous guider vers un accompagnement psychologique.

Retrouvez l’interview précédente avec Claire de On dirait le Sud ici.

Crédit photo et vidéo : Baris Demiray

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